Succession SCPI : faut-il démembrer ses parts ?

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  • Article rédigé par Manuel RAVIER
  • Co-fondateur, Investissement-Locatif.com
Publié le samedi 06 décembre 2025
Sommaire
SCPI, propriété et succession
Le démembrement de propriété appliqué aux SCPI
Les différentes formes de démembrement en SCPI
Pourquoi ce levier est puissant
Stratégies concrètes dans une succession
SCPI, démembrement et assurance vie
Focus pratique : que se passe‑t‑il en cas de décès ?
Points de vigilance, risques et bonnes pratiques
Conclusion : quand recourir au démembrement de parts de SCPI ?
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Organiser sa succession avec des SCPI, c’est jouer à la fois sur la transmission de son patrimoine et sur la fiscalité liée aux droits à payer. Le sujet intéresse surtout les épargnants qui souhaitent transmettre des parts à leurs proches tout en gardant, au moins pour un temps, la main sur les revenus ou sur la propriété.

Dans cette optique, ces placements immobiliers collectifs deviennent un outil souple pour préparer l’héritage tout en conservant une certaine marge de manœuvre sur la gestion et les flux de loyers.​

Avec des parts, on ne transmet pas un appartement précis mais des titres adossés à un ensemble d’immeubles gérés par une société spécialisée. Cela facilite la répartition de la valeur entre plusieurs héritiers, sans se retrouver avec un bien indivis difficile à partager. Le démembrement de propriété, qui sépare nue‑propriété et droit de jouissance, permet d’ajuster la transmission à la situation familiale, aux besoins de revenus et au calendrier souhaité par chacun.​

Dans ce cadre, le recours au démembrement de parts sert à organiser finement la circulation du capital, à agir sur la base taxable et à décider qui percevra les loyers et à quel moment. L’idée est de ne plus tout concentrer au décès, mais d’anticiper en séparant les droits sur le capital et sur les revenus.

En pratique, cela revient à choisir qui détient le patrimoine à long terme, qui encaisse les loyers pendant une période donnée et à quelle date la pleine propriété se reconstitue.​

SCPI, propriété et succession

Fonctionnement des parts de SCPI

Une SCPI collecte l’épargne de nombreux investisseurs pour acquérir et gérer un parc immobilier locatif. En contrepartie, chaque épargnant détient des parts qui correspondent à une fraction de ce patrimoine, avec une gestion déléguée à une société de gestion (sélection des actifs, mise en location, travaux, arbitrages).​

Les parts donnent droit à une quote‑part des loyers et, à terme, à une part de la valeur du parc. L’investisseur n’achète donc pas un bien en direct mais une participation dans un portefeuille diversifié, ce qui rend ensuite la répartition entre bénéficiaires plus simple, car les titres sont facilement fractionnables.​

SCPI et succession « classique »

En l’absence de démembrement, les parts entrent dans l’actif successoral au décès du titulaire, comme n’importe quel autre bien. Elles sont réparties entre les héritiers selon les règles du droit civil et les éventuelles dispositions déjà prises (donations antérieures, testament, régime matrimonial).​

Les droits de succession sont alors calculés sur la valeur des titres au jour du décès, après application des abattements liés au lien de parenté. Une fois la succession réglée, chaque bénéficiaire devient propriétaire des parts reçues, peut en percevoir les revenus, les conserver ou demander leur cession dans le cadre fixé par la société de gestion.​

Les droits de succession sont alors calculés sur la valeur des titres au jour du décès, après application des abattements liés au lien de parenté

Le démembrement de propriété appliqué aux SCPI

Notions clés : nue‑propriété et usufruit

Le démembrement sépare, sur un même bien, deux catégories de droits : la nue‑propriété et l’usufruit. La nue‑propriété représente le droit de devenir un jour plein propriétaire, tandis que l’usufruit permet d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus, comme les loyers issus d’un portefeuille immobilier.​

Transposé aux parts, cela donne deux profils de détenteurs : l’usufruitier, qui perçoit les revenus distribués et peut disposer de certains droits de vote, et le nu‑propriétaire, qui ne touche rien pendant la période de démembrement mais récupère ensuite la pleine propriété sans indemniser l’usufruitier. Ce découpage est le socle des montages patrimoniaux qui dissocient revenus immédiats et détention du capital.​

Usufruitier et nu‑propriétaire : rôles et droits

L’usufruitier détient un droit de jouissance sur les parts : il encaisse les loyers et profite d’un complément de revenus régulier. Selon les statuts de la SCPI, il peut également participer à certaines décisions collectives, ce qui lui laisse une place active dans la gestion.​

Le nu‑propriétaire détient le capital à long terme. Il ne perçoit pas de revenus tant que dure le démembrement, mais, à l’extinction de l’usufruit, il devient automatiquement plein propriétaire, sans fiscalité spécifique supplémentaire dans les schémas civils classiques. Ce mécanisme permet de transmettre la nue‑propriété à ses héritiers tout en gardant les revenus jusqu’à un certain âge ou jusqu’au décès.​

Les différentes formes de démembrement en SCPI

Démembrement temporaire des parts

Dans un démembrement temporaire, la séparation entre usufruit et nue‑propriété est fixée pour une durée déterminée (5, 10, 15 ans, etc.). Pendant cette période, l’usufruitier perçoit les revenus, tandis que le nu‑propriétaire ne touche rien mais achète ses parts à un prix inférieur à la pleine propriété.​

Plus la durée est longue, plus la valeur de l’usufruit augmente et celle de la nue‑propriété diminue, ce qui permet de calibrer la stratégie en fonction des objectifs de chacun. L’investisseur en quête de rendement immédiat privilégie l’usufruit, tandis que celui qui vise le long terme sans besoin de revenus peut se positionner sur la nue‑propriété, avec une reconstitution automatique de la pleine propriété au terme.​

Démembrement viager

Le démembrement viager fonctionne différemment : la durée dépend de la vie de l’usufruitier et non d’une échéance fixée à l’avance. L’usufruit prend fin au décès de ce dernier, et la pleine propriété revient alors définitivement au nu‑propriétaire, le plus souvent un enfant ou un autre héritier désigné.​

Ce type de montage est particulièrement adapté à la préparation de la succession. Un parent peut conserver l’usufruit viager des parts pour percevoir des revenus à vie, tout en transmettant la nue‑propriété à ses enfants, qui deviendront pleins propriétaires au décès, sans rachat ni frais de mutation supplémentaires.​

Pourquoi ce levier est puissant

Réduction de la base taxable

Le démembrement permet de réduire la base soumise aux droits de succession ou de donation. Lorsque la nue‑propriété est donnée aux héritiers et que l’usufruit est conservé, l’administration fiscale retient pour la nue‑propriété une valeur calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier et d’un barème officiel, ce qui aboutit souvent à une valeur inférieure à la pleine propriété.​

En pratique, une partie importante de la valeur est transmise de son vivant, mais les droits sont calculés sur cette valeur réduite. Au décès, la pleine propriété se reconstitue chez les nus‑propriétaires sans nouvelle taxation supplémentaire, puisque la valeur de l’usufruit a déjà été prise en compte au moment de la donation.​

Transmission progressive et souple

Le recours au démembrement permet d’étaler la transmission dans le temps au lieu de tout concentrer sur un seul événement successoral. Il devient possible de donner progressivement la nue‑propriété à ses enfants tout en continuant à percevoir les revenus, ce qui laisse au donateur la maîtrise de son niveau de vie.​

La nature fractionnable des parts facilite aussi le partage entre héritiers : chacun peut recevoir un nombre de parts adapté, sans se heurter aux contraintes d’un bien indivis difficile à vendre ou à occuper. En jouant sur le volume transmis, le calendrier et la répartition entre usufruit et nue‑propriété, la stratégie s’adapte aux besoins de chaque membre de la famille.​

Stratégies concrètes dans une succession

Donner la nue‑propriété des parts à ses enfants

Un schéma fréquent consiste à conserver l’usufruit des parts tout en donnant la nue‑propriété à ses enfants. Le parent reste ainsi titulaire du droit aux revenus et continue à percevoir les loyers, tandis que les enfants se positionnent sur la valeur future du patrimoine.​

Au décès de l’usufruitier, la pleine propriété se reconstitue automatiquement chez les nus‑propriétaires, sans qu’ils aient à verser quoi que ce soit. La valeur de l’usufruit ayant été prise en compte lors de la donation, il n’y a généralement pas de nouveaux droits de succession sur cette étape, ce qui en fait un outil efficace de transmission anticipée.​

Protéger le conjoint survivant

Autre cas classique : le conjoint survivant reçoit l’usufruit des parts, tandis que les enfants détiennent la nue‑propriété. Le conjoint continue de percevoir les revenus pour maintenir son niveau de vie, alors que les enfants sont d’ores et déjà titulaires du capital, ce qui évite les blocages liés à l’indivision sur un bien unique.​

La société de gestion reste l’interlocuteur unique pour la gestion, ce qui limite les sources de conflit. Chacun connaît son rôle : l’usufruitier touche les loyers, les nus‑propriétaires attendent la reconstitution de la pleine propriété au décès ou au terme fixé.​

Stratégies avancées en viager

Le démembrement viager permet de combiner plusieurs objectifs : sécuriser des revenus à vie pour une personne, positionner des héritiers sur la propriété future, et limiter l’impact fiscal global. Il est possible de répartir les droits entre plusieurs enfants, d’organiser des donations échelonnées ou de mixer démembrement viager et démembrement temporaire selon les besoins.​

Ces stratégies sont particulièrement appréciées des épargnants qui veulent organiser tôt la transmission de leur patrimoine immobilier tout en gardant une vision claire de leur budget futur. Elles permettent d’ajuster finement le partage en fonction des situations familiales (enfants issus de plusieurs unions, protection d’un conjoint, etc.).​

SCPI, démembrement et assurance vie

Investir via une assurance vie

Loger des parts dans un contrat d’assurance vie permet de profiter à la fois de la diversification immobilière et du cadre civil et fiscal spécifique de cette enveloppe. Les revenus générés par les parts sont capitalisés dans le contrat, avec la possibilité d’effectuer des rachats ou des arbitrages selon les besoins.​

En matière de transmission, l’assurance vie obéit à des règles propres : les capitaux sont versés aux bénéficiaires désignés et bénéficient d’abattements spécifiques, dans certaines limites de montants et en fonction de l’âge de versement des primes. Intégrer des parts dans ce cadre complète utilement la stratégie menée en direct.​

Combiner assurance vie et démembrement

Certaines stratégies combinent des parts détenues en direct (éventuellement démembrées) et des parts logées dans une assurance vie. Par exemple, conserver des titres en pleine propriété dans le contrat pour générer des revenus et de la liquidité, tout en ayant donné la nue‑propriété de parts détenues en direct.​

Cette combinaison permet de répartir les rôles :

  • revenus actuels via les parts en pleine propriété,

  • optimisation des droits grâce au démembrement,

  • transmission ciblée via la clause bénéficiaire.

L’enjeu est d’harmoniser l’ensemble pour que la succession, en direct ou via assurance vie, reste cohérente avec les objectifs familiaux.​

Focus pratique : que se passe‑t‑il en cas de décès ?

Décès de l’usufruitier

Au décès de l’usufruitier, son droit s’éteint automatiquement. La pleine propriété se reconstitue alors chez le nu‑propriétaire, sans rachat ni formalité lourde sur les parts elles‑mêmes, hormis la mise à jour du registre par la société de gestion.​

Sur le plan fiscal, si la nue‑propriété avait été donnée en amont, la valeur de l’usufruit a déjà été intégrée dans les droits acquittés lors de la donation. La reconstitution de la pleine propriété n’entraîne donc généralement pas de droits supplémentaires, ce qui explique l’intérêt de ce type de montage dans une stratégie de transmission.​

Décès du nu‑propriétaire

En cas de décès du nu‑propriétaire, c’est son droit de nue‑propriété qui est transmis à ses propres héritiers. Ceux‑ci reprennent sa place dans le démembrement, tandis que l’usufruit continue à bénéficier à la personne initialement désignée jusqu’à son extinction.​

Les droits de succession sont alors calculés sur la valeur de la nue‑propriété au jour du décès, d’après le même barème que pour une donation et en fonction de l’âge de l’usufruitier. La société de gestion procède simplement à la modification des titulaires sur le registre, et le démembrement se poursuit jusqu’à la fin prévue.​

Points de vigilance, risques et bonnes pratiques

Limites et risques

Le démembrement de parts ne fait pas disparaître les risques liés à l’immobilier : la valeur des parts peut évoluer à la baisse, les loyers peuvent se réduire et la revente peut être plus longue en cas de marché difficile. Ces placements restent soumis aux aléas locatifs et aux cycles économiques, comme l’immobilier détenu en direct.​

Par ailleurs, la séparation entre usufruitier et nu‑propriétaire réduit la souplesse. Les intérêts de chacun ne sont pas toujours alignés et une sortie anticipée (revente de parts démembrées, rachat de l’usufruit ou de la nue‑propriété) peut être complexe. Il est donc nécessaire de bien réfléchir à la durée du montage et aux objectifs poursuivis avant de s’engager.​

Accompagnement et rôle des professionnels

La mise en place d’une stratégie de démembrement sur des parts de SCPI se prépare idéalement avec un notaire et, si besoin, un conseiller en gestion de patrimoine. L’objectif est de vérifier la cohérence avec le reste du patrimoine, de respecter les règles civiles (réserve héréditaire, quotité disponible) et d’éviter des montages déséquilibrés entre héritiers.​

Il est également important de se renseigner sur les spécificités de chaque SCPI : modalités de souscription en nue‑propriété ou en usufruit, traitement des démembrements existants, conditions de revente, délais et frais. Cette phase de vérification permet de choisir des supports adaptés aux objectifs de transmission, plutôt que de se limiter à une approche purement théorique.​

Conclusion : quand recourir au démembrement de parts de SCPI ?

Ce type de montage s’adresse surtout aux épargnants qui souhaitent préparer tôt la transmission de leur patrimoine, alléger le poids des droits de succession et garder un certain contrôle sur les revenus. Il convient bien aux profils déjà détenteurs d’un capital immobilier ou financier important, qui veulent structurer l’héritage dans le temps au lieu de tout transmettre en une seule fois au décès.​

Le levier devient particulièrement pertinent lorsqu’on cherche à donner la nue‑propriété des parts à ses enfants, à protéger son conjoint grâce à l’usufruit, ou à combiner des parts détenues en direct et via assurance vie dans une stratégie globale.

Utiliser le démembrement (usufruit / nue‑propriété) permet alors d’aligner revenus, calendrier de transmission et fiscalité, tout en gardant une architecture compréhensible pour les héritiers comme pour les professionnels qui accompagnent la démarche.​

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